« Cris et larmes d’une vision infernale"

Ludmila ACONE
LAMOP, Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne

Résumé :
En mai 1304, la ville de Florence est le théâtre d’un évènement marquant : une représentation de  l’enfer annoncée par crieurs publics, battant le tambour dans les rues de la cité, sans texte ni musique, car mise en scène sous forme de pantomime et se déroulant simultanément sur terre et sur l’eau. Dans sa Cronica, Giovanni Villani offre une description détaillée de cette représentation des feux de l’enfer, des peines et des martyres que subissaient des hommes habillés en diable et des âmes nues criant et pleurant. Mais la charge fut tellement puissante que les scènes tombèrent, beaucoup de spectateurs se noyèrent. Les cris et les pleures s’étendirent alors au public. Cela fit grand bruit dans la ville et fut perçu comme un signe du châtiment des pécheurs. Les affres des peines infernales, guettant les pécheurs spectateurs rejoignent les préoccupations eschatologiques des contemporaines et le souci édifiant des autorités politiques et religieuses. Ces dernières ont cherchée, dans cette représentation, un instrument efficace de « communication » au sein de l’espace citadin. L’enfer se donnait a « voir » et à entendre en visant à toucher les spectateurs et a les impliquer dans le récit. La ville est ainsi l’espace de transmission d’un discours, qui à travers la perception sensible et sonore des émotions, englobe toute la communauté et devient un véhicule de partage de valeurs et de consensus : les acteurs et les spectateurs font ainsi corps avec le corps bâti de la ville.

Abstract :
In May 1304, the city of Florence was the scene of a milestone: the representation of the hell announced by town criers, drumming in the streets of the city, with no text or music, since it was staged in the form of a pantomime taking place simultaneously on land and water. In this Cronica, Giovanni Villani offers a detailed description of this representation of the hellfire, of penalties and martyrdom suffered by men dressed like devils and screaming and crying naked souls. But the total weight of these representation was so heavy that the scenes fell and many spectators were drowned. Shoutings and cries were then extended to the public. This caused an uproar throughout the city and was seen as a sign of punishment for the sinners. The pangs of pains from the hell, threatening sinner spectators are echoing eschatological concerns of the contemporary people and the edifying concern of the political and religious authorities. These have sought, in this representation, an effective instrument of "communication" within the urban space. Hell offered istself to be "seen" and heared so to touch the audience and involve them in the whole story. The city is thus the place of transmission of a speech, through which the perception of sound and emotion, embraces the whole community and becomes a vehicle for shared values and consensus : the actors and the audience are doing one with the built frame of the city, they draw alltogether his time and space.

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